Mireille Mathieu et Johnny Stark (source France TV)
22h30. Le récital a duré plus d’une heure et demie, sans compter les rappels, nombreux, très nombreux. Ce concert clôture l’édition 1988 du festival, cela veut dire aussi pour moi, la fin de deux mois les plus intenses, les plus fous, les plus inattendus de ma vie d’étudiant.
La nuit nous collons les affiches pour annoncer le plateau du Top 50 et l’ouverture de l’exposition Maria Callas ; plus précisément de ses tenues de scène. La matinée est souvent consacré au rabattage comme font ces bouts de cirque à deux lamas et à un vague chameau. C’est-à-dire, à grand coup de haut-parleur sur le toit de la voiture qui arpente à deux à l’heure les rues de Pornic, notre terrain de chasse ce jour-là. Coup de chance je conduis et Eric, brillant étudiant en médecine, hurle dans le micro. Il ne s’en rend pas compte, trop accaparé par son texte et par le tract aussi. Mais finalement les gens nous regardent plutôt souriants, voire, franchement hilares. Ils sont en vacances, comme l’anglais d’Eric qui n’a jamais réussi à lancer un compréhensible « Ce soir ! Le Golden Gate Quartet dans votre ville». On aurait dû faire L2.
Le reste de la journée, nous vendons les billets pour les concerts d’Alexis Weissenger, de Barbara Hendricks et d’autres cadors de l’art lyrique. Une programmation incroyable qui m’impressionnait beaucoup moins que le fait d’aller récupérer Patricia Kass, Liane Foly, Cookie Dingler à l’aéroport de Nantes pour cette fameuse soirée Top 50. Les nuits étaient courtes, nos jours éclectiques comme ce festival un peu barré et magique, inauguré cette derrière année par la Garde Républicaine venu sans chevaux mais parfaitement alignée et en musique sur le terrain de foot exposé plein sud.
19h. Juste le temps de repasser la chemise et d’ajuster l’unique cravate à l’unique costume pour faire l’accueil des officiels et des estivants endimanchés. Il faut placer, parfois composer avec tout ce microcosme réuni dans cette petite église du village qui devenait chaque samedi soir d’été le Carnegie Hall du pays de Retz. 2000 habitants l’hiver, à peine un bistrot. Comme Bouaye, la commune voisine réquisitionnée pour accueillir Joan Baez, à peine surprise de devoir chanter dans une salle remplie mais polyvalente.
Il est 22h30 et ce soir, plus de 900 personnes applaudissent encore et encore. On est à la Baule les Pins, on est le samedi 25 août 1988. C’était le dernier rappel, Mireille Mathieu quitte la scène mais pas la salle. Elle ne le peut pas, elle ne le veut pas non plus. Après le flot de fleurs offert à bout de bras, pendant plus d’une heure l’artiste reçoit d’autres offrandes, d’autres mots, de femmes, d’hommes, des dessins d’enfants, tous agglutinés mais calmes dans le couloir de sa loge. Pas l’ombre d’un agacement, elle écoute, sourit, remercie, transmet les cadeaux à sa sœur et à Johnny Stark pour mieux serrer les mains ou presser sa poitrine pour le plus élégant des gestes de reconnaissance et d’au revoir, pense t’elle…
00h Son chauffeur un peu tendu arrive et glisse à l’oreille de l’impresario qu’un groupe d’une trentaine de spectateurs attendent leur artiste tout autour de la voiture garée devant l’Atlantia.
Depuis 2 mois, je visite un monde habité par les champions du hit-parade, par les plus grands artistes d’art lyrique et concertistes qui passent leur temps à vous remercier, à rechercher le simple et les diners « à la bonne franquette ».
Si bien que j’indique tout naturellement au trio un peu perdu, que j’ai la voiture de mes parents garée à l’opposé de la leur et que je peux les conduire à leur hôtel.
01H30. J’ai Mireille Mathieu, sa sœur dans le rétroviseur, Johnny Stark à ma droite, les trois n’ont de cesse de me remercier, nous arrivons devant le Royal, je les y dépose. Demain elle chantera à Bergerac.
Les artistes sont des êtres extraordinaires qui ont souvent besoin qu’on les conduise tout simplement.
Le festival est terminé.
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